mercredi 26 juin 2013

Dossier. Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue, David Bobée (analyse espace)


Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue,
Mise en scène de David Bobée,
Texte de Ronan Chéneau,
Chorégraphie de DelaVallet Bidiefono.

La création de ce spectacle est antérieure, mais c'est au théâtre de Brétigny-sur-orge dans l'Essonne que j'ai pu le découvrir en mai 2009. J'ai choisi de me focaliser sur l'espace scénographique que David Bobée a imaginé pour sa mise en scène.


Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue

Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue naît de la rencontre entre le texte de Ronan Chéneau (collaborateur régulier de Rictus), les comédiens et danseurs de Rictus, la mise en scène et  la scénographie de David Bobée et la compagnie congolaise de danse du chorégraphe DeLaVallet Bidiefono. La réunion de ces deux compagnies, l’une française l’autre congolaise, appuie les questionnements du spectacle : qu’est-ce qu’être africain voire d’origine africaine en France, aujourd’hui ? De la violence dans les banlieues, aux expulsions en charter, en passant par le questionnement sur l’identité nationale, Nos enfants […] s’engage politiquement et socialement sur ces sujets d’actualité brûlants. 

 L’auteur du texte, Ronan Chéneau fait son entrée, seul, discrètement, le plus à la face-cour possible. On m’a demandé d’écrire un texte sur l’Afrique, mais l’Afrique je n’y étais jamais allé alors j’ai décidé d’écrire sur ce qu’il y a de visible et d’invisible de l’Afrique en France, nous dit-il un micro à la main à quelques mots près. 

Ronan Chéneau, sur scène. Croquis F.Le Borgne.


Ce prologue entre la confession et le témoignage de l’auteur à son public introduit le ton le spectacle : engagé (« je »), politique (micro à la main, discours militant) donc polémique.
Pour servir ce propos, un forme scénique à l’impact visuel fort. 


 

Un espace impersonnel et froid. Son gris métal, sa vitre grillagée et ses néons suspendus rappellent un hall de transit. Aéroportuaire?

C'est un espace intérieur mais public. Un lieu de croisement, de rencontre ou de non-rencontre. d'indifférence ou de peur.

Scénographie/ Un lieu de croisement et de mixité.

D'emblée, les ballets des déplacements des comédiens et danseurs habitent cet espace. C'est un lieu de transit, on ne fait qu'y passer, il n'appelle pas à rester.

 

C'est donc avant-tout un lieu où on croise cet "autre" que soi, l'étranger, et avec lui les aprioris qui l'accompagnent et la peur irrationnelle.

D'une certaine manière, la notion de mixité sociale trouve écho dans la mixité des arts des interprètes.
Comédien, circassien et danseurs.
 
  Des différences de rythmes, de sons et de mouvements se rencontrent et tantôt s'accordent en un seul tempo, tantôt s'affrontent et créent la tension.


Scénographie/ Un lieu acteur.

Volets ouverts (cf. première image),

Du passage, la fuite est possible et permet les évitements, l'indifférence à l'autre.

Volets actionnés à vue,
Comme une respiration, ou au contraire la retenue d'un souffle. Lorsque les volets font le mouvement de se fermer, le sentiment de claustration naît.

Volets fermés,
La montée de la peur et de la violence s'exacerbe.
L'image de l'enfermement ici croisé au thème du spectacle fait penser sans doute possible à la ghettoïsation des quartiers.



 
Conclusion

Dans Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue, la scénographie remplit plusieurs fonctions, participant à la réception du message et lui donnant sa force visuelle, elle est aussi beaucoup plus qu'une apparence pour habiller le texte.

Mêlé à la pluridisciplinarité des artistes, cet espace peut se voir comme un lieu du croisement, un lieu public et traversé, à l'image du transit dans un aéroport. De cette diversité naît un lieu où résonnent des rythmes tantôt polyphoniques, tantôt à l'unisson. Comme le message qu'ils délivrent. à la fois porté par autant de voix que d’interprètes mais délivrant un même cri de de réaction face aux questions politiques et sociales que le texte soulève. Ce sont des questions polémiques, qui créent le malaise, et cet espace froid et métallique y fait écho.
Plus la pièce progresse, plus le décor parle. Il a une fonction narrative et émotive, il nous promène d'anecdotes en anecdotes par jeu de lumière, de vidéo et de tapis roulant. Le mur lumineux créant un contre-jour et le tapis roulant à ses pieds nous raconte avec ironie la ressemblance entre les fuites de sans-papiers et une partie de jeux vidéos thème "plateforme d'obstacles", et la vidéo nous parle de la difficulté de continuer à aimer quand la politique d'immigration s'en mêle.
Enfin le décor est acteur à part entière, ses volets s'expriment aussi bien qu'un artiste qui dirait "nous sommes dans une impasse". Avec l'aide de la chorégraphie, très vite lorsque les volets latéraux sont clos, la tension monte, comme dans un huis-clos. Mais ce n'est pour autant que lorsqu'ils sont ouverts une respiration s'empare de la pièce. Cela marque simplement la reprise du ballet de déplacement, traversée et de croisement.

Finalement, tour à tour écho des thèmes que le spectacle aborde, élément narratif, objet de tension et acteur, la scénographie s'engage dans les questionnements du spectacle que sont "l'identité nationale, la politique d'immigration, l'intégration, et la peur...

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