samedi 9 novembre 2013

Critique. "Le Cabinet de curiosités" par la Cie KAMMA

Le Cabinet de Curiosités
Texte de Fabrice Melquiot,
 Dans une création de la Cie Kamma (Voir ici leur site)

 Mise en scène de Solène CORNU,
Avec Margherita BERTOLI, Fanny GARIN, Karine PEDURAND, Jonathan PUJOL.

"Une loge, quatre comédiens…mais pas assez de papier toilette!"
Pour une nouvelle fois qui devient finalement coutume, entre des textes sur des Kentridge, des Bobée, bientôt des Wilson et Régy, c'est la création d'une toute jeune compagnie sur laquelle j'ai cette fois envie de partager un regard tout aussi attentif . Ah! Les nouvelles générations, les jeunes compagnies, les artistes et techniciens pas-tous intermittents encore, comment aborder l'exercice de la critique quand on pourrait très bien être à leur place?
Eh bien je ne le sais pas encore, mais j'ai envie de tenter quand même, et de vous livrer aujourd'hui (avec retard, mille excuses!) un aperçu de ce que l'on peut découvrir du côté de ces jeunes spectacles, avec une des créations de la Cie KAMMA: Le Cabinet de curiosités, vu pour ma part au théâtre de Ménilmontant, à Paris, le 29 octobre dernier.

Le Pitch?
Nous voilà face à quatre comédiens dans leur loge, tordus par le trac à vingt minutes de monter en scène jouer Bérénice. Pour tenter de se débarrasser de ce stress tord-boyaux ou au moins l'oublier un instant, entre deux sprints vers les toilettes, ils s'échappent ensemble dans l'improvisation (fictive) d'un monde imaginaire et absurde où évolue H. l'anti-héros que s'invente régulièrement l'une des comédiennes quand elle va au cabinet (de toilettes)!

Nous sommes alors accueillis dans la salle par la présence des comédiens, jouant les comédiens qui se préparent à jouer Bérénice (ça va vous suivez?). Et bien vite, à partir du théâtre dans le théâtre de cette situation de départ, le texte et la mise en scène nous conduisent vers d'autres mises en abime et effets jouant avec délice des règles du théâtre. Car dans cette loge, les fictions et les réalités se télescopent et se succèdent: la loge devient une machine théâtrale où il suffit de dire, d'inventer, pour faire exister. H. le fameux personnage né du cabinet et du stress, "existe" donc devant nos yeux par les truchements de ses quatre auteurs-acteurs qui écrivent son histoire autant qu'ils lui donnent corps et réalité.  

Après avoir assisté à un spectacle de véritable improvisation dans la même salle quelques semaines plus tôt (cf. critique de Theatresports), voir un spectacle prétendant l'improvisation d'une troupe dans une fiction écrite (par Fabrice Melquiot) m'a beaucoup interpelée et intéressée.
Il m'a toutefois fallu d'abord m'habituer à l'écriture de Melquiot: autant la présence initiale des comédiens sur scène avant que ne soit véritablement lancée la fiction fonctionne bien et m'a fait entrer avec eux dans cette loge, autant le texte m'a remise à distance, ne parvenant pas à me faire qu'on est encore "avant la pièce", les comédiens devenant déjà "personnages" à part entière. Je m'attendais sûrement à une scène plus naturaliste, réaliste, comme j'ai pu justement en voir dans de vraies loges avant spectacle. Que je n'ai pas retrouvé d'emblée.
Mais, à l'entrée en jeu de H., la fiction bascule et nous embarque pour de bon. On entre dans une autre dimension, dans laquelle les quatre comédiens -personnages comme réels- nous proposent un certain nombres de morceaux de bravoure en matière d'interprétation. A eux quatre, armés de leurs talents et styles d'interprétation respectifs, cette fausse improvisation de l'histoire de H., absurde et savoureuse, prend vie sous nos yeux. On partage alors avec connivence leur plaisir de la jouer et de mettre à vue le mécanisme d'invention théâtrale de ce personnage et de son histoire au moyen d'outils de langage, de jeu et de seuls accessoires à disposition dans leur loge.

L'annonce régulière du compte à rebours avant leur entrée en scène pour Bérénice, par une voix depuis la salle, les rappelle eux à leur trac (et à l'appel des toilettes) et nous à la première couche de la fiction: la loge. L'histoire de H. rebondit alors, s'accélère, s'imbibe des angoisses des comédiens pour les en délivrer encore et encore (à chaque nouvelle annonce du temps qu'il reste avant Bérénice). Il retrouve son rôle d'éponge à trac. Progressivement, entre deux interprétations délurées de H., ou des personnages incroyables l'environnant, chaque comédien s'est costumé pour son rôle imminent et classique. Le rôle à venir, le rôle dans la pièce, le rôle dans l'impro. H. joue le personnage-relai entre le comédien sous trac et le personnage tragique qui l'attend.

Les bons interprètes et les différentes notions de fiction dans la mise en abime comprises par la mise en scène font de cette création de la jeune compagnie KAMMA un objet qui tient ses promesses et nous font passer un bon moment de théâtre.


Voir Le Cabinet de Curiosité:

Les 22 et 29 novembre et le 06 décembre. Plus d'informations ici. 
ABC Théâtre -  14 rue de Thionville-Métro Laumière/Ourq/Crimée - PARIS 19ème

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